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Tag - saving glut

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samedi 30 novembre 2013

Excès d’épargne ou pénurie d’investissement ?

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« Martin Wolf du Financial Times affirme que l'avenir de l'économie mondiale (et plus particulièrement l’avenir des économies avancées) est assombri en raison de la tendance baissière affichée par les taux d'investissement au cours des dernières années, avant même la crise financière n’éclate. J'ai fait des remarques similaires dans mon précédent billet. (…)

C’est un fait que depuis le milieu des années quatre-vingt-dix les taux d'intérêt mondiaux ont amorcé une tendance baissière. Ben Bernanke explique cette tendance dans son discours de mars 2005 : "Durant la dernière décennie, une combinaison de diverses forces a entraîné une augmentation significative de l'offre mondiale d’épargne, un excès mondial d’épargne (global saving glut), et celle-ci explique le niveau relativement faible des taux d'intérêt réels de long terme dans le monde d'aujourd'hui."

Cela peut être facilement représenté dans un graphique standard de demande et d'offre pour le marché mondial des fonds où l'excès d'épargne correspond tout simplement à un déplacement de la courbe d’épargne mondiale (l'offre) vers la droite.

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Ce qui est intéressant avec l'hypothèse d’excès d’épargne est que celle-ci permet non seulement d’expliquer la baisse des taux d'intérêt, mais elle permet également d’expliquer l’accumulation de déséquilibres mondiaux. Une façon simple de représenter cela consiste à séparer le monde en deux blocs : les pays dont l’épargne s’est accrue et le reste du monde. Nous pouvons utiliser à nouveau un simple graphique de demande et d'offre pour représenter ces deux groupes de pays : nous représentons à gauche les pays dont l’épargne a augmenté et le reste du monde à droite. Nous obtenons le graphique suivant :

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Cela montre que nous devons nous attendre, d’une part, à ce que les pays qui augmentent leur épargne affichent un excédent croissant du compte courant et, d’autre part, à ce que les pays où les deux courbes ne sont pas déplacées affichent un déficit croissant du compte courant. Ce cadre simple correspond bien aux données relatives à cette période. L'excédent du compte courant dans des pays comme l'Allemagne, le Japon, les pays producteurs de pétrole, la Chine et d'autres pays émergents d’Asie a augmenté alors que les déficits dans des pays comme les États-Unis, la Grèce, l'Espagne, le Portugal, l'Irlande ou le Royaume-Uni augmentait également. Voici les données (issues des Perspectives de l’économie mondiale du FMI) :

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Mais dans cette histoire, il y a certaines prédictions qui n'ont jamais été testées. En particulier, comme les taux d'intérêt ont baissé, l'investissement aurait dû augmenter au niveau mondial. Si vous regardez les courbes d'épargne et d’investissement ci-dessus, l'investissement aurait dû augmenter dans les pays où l'offre d'épargne se déplaçait ainsi que dans les autres pays. À moins que nous pensions que les taux d'investissement ne dépendent pas des taux d'intérêt nous aurions vu une généralisation accrue de l'investissement dans le monde entier. Avons-nous observé cela ? Non. En fait, dans les économies avancées (y compris aux États-Unis, comme je l'ai montré précédemment), nous avons observé le contraire. Voici un tableau que j'ai construit à partir des données du FMI (issues des Perspectives de l’économie mondiale). J'ai calculé le taux d'investissement global (en % du PIB) pour toutes les économies avancées en pondérant selon la part du PIB de chacun de ces pays (…).

GRAPHIQUE Investissement des pays avancés en % du PIB
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Il y a une claire tendance baissière dans les données. Même si nous ignorons les données d’après-2008, l'expansion dans les années deux mille a été plus faible que celle des années quatre-vingt ou quatre-vingt-dix. Et n'oubliez pas que nous nous attendions à l’exact contraire. La seule façon de faire de ce dernier graphique compatible avec l'histoire de l’excès d’épargne est de supposer qu’au même moment où la courbe de l'épargne se déplaçait vers la droite dans certains pays, la courbe d’investissement s’est également déplacée (cette fois vers l'intérieur) dans d'autres pays.

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Le déplacement de la courbe d'investissement aiderait également à expliquer le moindre taux d'intérêt observé au cours de la décennie. Mais, il pourrait également expliquer pourquoi les taux de croissance (et la performance du marché du travail) sont restées faibles durant l'expansion des années deux mille dans certaines économies avancées. Et étant donné ce que nous avons vu jusqu'à présent lors de l'expansion actuelle, il pourrait être une source supplémentaire de pessimisme pour les années à venir. »

Antonio Fatás, « Saving glut or investment dearth? », in Antonio Fatás on the Global Economy (blog), 22 novembre 2013. Traduit par M.A.

mardi 26 novembre 2013

Les bulles, le taux d'intérêt et le plein emploi

« Le discours prononcé par Larry Summers lors d'une récente conférence du FMI a (…) soulevé un débat sur la possibilité d’une stagnation séculaire (voir par exemple Paul Krugman). La stagnation séculaire se réfère au fait que certaines des pertes de production au cours de la crise sont devenues permanentes, l'économie ne reviendra jamais à la tendance précédente.

Mais il y avait quelque chose d'autre dont Larry Summers a parlé et que je trouve tout aussi intéressant : il a évoqué le fait que dans les précédentes expansions l'économie américaine a à peine réussi à atteindre le plein emploi, malgré l'existence de fortes bulles et d’excès. Cela conduit aussi à considérer avec pessimisme ces dernières années et ce pas tellement à cause de ce qui s'est passé après 2008, mais de ce qui s'est passé avant 2008.

(…) C’est un fait bien établi que les taux d'intérêt réels mondiaux que l’on a pu observer au cours de la dernière expansion (2001-2007) étaient très faibles au regard des normes historiques. Le principal candidat pour expliquer la faiblesse des taux d'intérêt réels est l'excès d'épargne (saving glut) dont Ben Bernanke a parlé dans son discours de 2005 pour décrire (…) l'épargne mondiale en provenance d'Asie, de l'Allemagne, du Japon et des pays producteurs de pétrole. Comme l’épargne s’accroissait, le taux d'intérêt mondial a chuté. Dans d'autres pays (comme les États-Unis et certains pays européens), cela a conduit à une augmentation des dépenses et des emprunts qui s’est traduite par l’accroissement des déséquilibres mondiaux.

Mais si ce que nous avons vu au cours de ces années fut un accroissement de l'épargne qui a entraîné une baisse des taux d'intérêt nous devrions observer une hausse de l’investissement (comme l’offre se déplace, nous nous déplaçons le long d'une courbe de demande décroissante pour trouver le nouveau prix d'équilibre). Et si l'investissement augmente, nous devrions observer une hausse du taux de croissance. Mais rien de tout cela n’est arrivé. En fait, non seulement l'investissement n'a pas augmenté, mais il est inférieur à ce qu'il était au cours des précédentes expansions, comme indiqué dans le graphique ci-dessous (les données portent sur l'économie américaine).

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Lorsque l'on compare les quatre dernières expansions de l'économie américaine, nous pouvons voir que, même si le taux d'intérêt réel a continué à diminuer (en particulier durant l'expansion de 2001 à 2007), les taux d'investissement sont restés stables ou ont même baissé. J'ai inclus l'expansion actuelle dans le tableau, bien qu’elle ne soit pas (…) encore finie.

Qu'est-il arrivé à l'investissement ? Pourquoi n’augmenterait-il pas alors même que les taux d'intérêt réels ont baissé et (…) l'épargne ait augmenté ? Je ne suis pas sûr que nous ayons une réponse à ces questions, mais ce que les données suggèrent, c'est que nous ne sommes pas seulement confrontés aux répercussions d'une profonde récession et que nous devrions également nous préoccuper de la robustesse de la reprise sur la base de la faiblesse de l'investissement au cours de la précédente expansion (une fois que nous prenons en compte le faible niveau des taux d'intérêt). »

Antonio Fatás, « Bubbles, interest rates and full employment », in Antonio Fatás on the Global Economy (blog), 19 novembre 2013.


aller plus loin… lire « La fin des déséquilibres globaux ? »

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